Rap. Le cofondateur du Wu Tang Clan donne trois concerts en France.
RZA, star sans paillettes
Par Stéphanie BINET
jeudi 24 février 2005 (Liberation - 06:00)
envoyée spéciale à New York
RZA en concert ce soir à Lille (Aéronef), vendredi à Reims (Cartonnerie) et samedi à Morlaix (festival Panoramas).
la première rencontre, son humilité, sa simplicité surprennent. Robbert Diggs, alias RZA, est, avec Dr Dre, le producteur et le rappeur le plus constant, le plus respecté et le plus talentueux de la génération hip-hop. Le Wu Tang Clan, groupe qu'il a fondé avec ses cousins et ses copains, a révolutionné le rap en 1993. Depuis, tous, y compris RZA, ont sorti des albums solos sur des labels différents. D'autres, à sa place, auraient affiché un roulage de mécaniques de rigueur. Pas lui, affable, prêt à confier les détails de sa biographie et ses recettes de fabrication : fluidité de la soul et rugosité du rap.
«Pour moi, dit-il dans son studio à l'est de Manhattan, plus le son est clair, plus j'ai l'impression que ça sonne R & B, pop. Quand je compose une musique, je la repasse dans un filtre pour qu'elle ait l'air plus crasseuse.» C'est cette capacité à créer des ambiances uniques qui lui vaut d'être sollicité par des cinéastes comme Tarantino (les deux Kill Bill) ou Jarmusch (Ghost Dog, 1999). Le seul souci est d'attraper cet oiseau rare. A la sortie de son dernier album, The World According to RZA, en 2003, il plantait la salle parisienne de l'Elysée Montmartre avant son concert. Depuis, il a apprécié son passage dans la capitale en juillet dernier au Zénith, avec le Wu Tang Clan quasi au complet, et donne, à partir de ce soir, trois concerts dans l'Hexagone.
De toute la bande du Wu Tang, même s'il en est le leader incontesté, RZA est certainement le plus discret. En interview, il commence son histoire ainsi : «Je suis né à Brooklyn dans un hôpital tellement pourri que les gens disaient : "Quand tu tombes malade, ne vas pas te faire soigner là-bas, tu risques d'y passer."» Après le divorce de ses parents, il part habiter à 4 ans dans le sud des Etats-Unis, où il est hébergé par son oncle, un docteur. Plus tard, il rejoint sa mère à New York et s'entasse avec ses neuf frères et soeurs dans un HLM de Park Hill à Staten Island. Il va à l'école avec ceux qui deviendront plus tard les membres du Wu Tang Clan. Mais de son passage dans le Sud, il garde l'espoir d'une qualité de vie meilleure.
Deux événements de son enfance vont façonner son univers. A 7 ans, en 1976, les premières block parties l'empêchent de dormir dans sa cité : «Les murs tremblaient sous les basses et ce "beat" impressionnant. Mon cousin, Genius, qui était un peu plus âgé que moi et habitait le même immeuble, venait demander à ma mère si je pouvais venir passer la nuit chez lui. Au lieu d'aller se coucher, on courait vers le parc où les Dj avaient installé leurs platines. Il y avait les premiers breakdancers et les premières battles de rap.» A 12 ans, c'est encore un de ses cousins qui lui fait découvrir les films de kung-fu dans un petit cinéma de Manhattan. Aujourd'hui, il distribue les films de la Shaw Brothers.
La particularité de sa musique, RZA l'explique aussi par les difficultés de son adolescence : «Quand je suis devenu DJ, je n'avais pas d'argent pour m'acheter des disques, alors je piquais dans les collections de mes voisins, de ma grand-mère, de ma mère. C'était des vieilles chansons d'Al Green, Ann Peebles, Syl Johnson, tous les trucs de Stax. Pendant que les autres DJ se concentraient sur la section rythmique, moi, ce qui m'intéressait, c'était le mouvement dans la musique. Si vous écoutez les samples que j'utilise dans des morceaux comme Likwid Sword, j'espère qu'on a l'impression que la musique avance.»